C’est une pensée vagabonde qui est retranscrite par Louis ARAGON dans Le paysan de Paris sous le personnage du paysan naïf en pleine excursion dans la capitale. Conçu comme une vaste déambulation que nous raconte le narrateur qui « au hasard des vitrines et des pancartes », des monuments et des paysages nous livre ses réflexions sur la ville qu’il traverse, le temps qui passe tout en confessant l’exaltation des désirs amoureux qui l’habite pour échapper au désespoir, à la folie et à la mort. Par l’œil observateur du personnage, nous traversons le boulevard Haussmann et ses rues perpendiculaires et parallèles dont l’une d’entre elles est menacée de destruction. S’abandonnant au charme de la balade parisienne, le paysan finira son périple dans le jardin des Buttes-Chaumont, dont les pages dédiées à ces allées boisées aux mille et une couleurs et à ce lac mystique au frisson métaphysique, révèlent une nature pittoresque. Il suffit donc de se laisser porter dans cette parenthèse bucolique au milieu d’une capitale géométrique, de laisser l’imaginaire déambuler au rythme de mille torrents s’écoulant d’une cascade divine.
Véritable kaléidoscope littéraire, Le Paysan de Paris pourrait tout autant être associé au genre romanesque, qu’à l’essai philosophique ou qu’au conte poétique. La pluralité de la prose surréaliste retrace ici une liberté de pensée et se veut être une tentative de réponse au nœud entremêlant raison, analyse, expérience concrète et sensualité. Par le biais d’une ode à la réalité enfouie sous les couches de peinture d’une superficialité omniprésente, l’auteur permet un cheminement intérieur réflexif : que faire de ce “merveilleux quotidien”, comment l’appréhender ? Face aux confessions données par le personnage, nous ne pouvons qu’y voir de belles images, de resplendissants paysages où s’entremêlent des images folles d’une obscurité rayonnante. Des “blés humains” aux “doigts blonds des planètes”, Louis ARAGON ne cherche pas simplement à nous dépeindre un tableau épris entre violence et apaisement mais également à nous faire réfléchir sur l’esthétisme et l’indifférence. Ces deux grands vices de notre monde permettent de laisser apparaître la toute puissance de l’Inconscient par un automatisme de pensée d’où naît une authenticité étincelante.
Voir d’un angle neuf et différent le monde, voici l’humble fonction de cet ouvrage. À première lecture, cette œuvre peut paraître absolument sordide, mais il s’agit en réalité d’un des romans les plus emplis de philosophies précieuses. Une dimension unique puisque permise par une folie légère teintée d’oxymores, d’antithèses et de paradoxes incessants, qui nous rappelle fondamentalement que “ce sont des contraires mêlés qui peuplent nos vies”. Apostropher le.la lecteur.rice à chaque page sur la beauté pure et la complexité simple des environnements, nous permet d’y découvrir un merveilleux quotidien trop souvent délaissé.
Enfin, l’écart permis par le surréalisme permet à tous.tes une appropriation des lignes aragoniennes, à condition de déposer nos armes rationnelles et codifiées le temps d’une lecture. Laissons-nous transporter par la douce flânerie des horizons fabuleusement saisissants en vue de se livrer à une introspection réflexive.
Rédactrice : Ambre Bruneteau
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